Chroniques de l’Equinox
LA VOIE DE L'AUTOMNEJournal d’une mission diplomatique chaotique
« Peuple de l’Equinox, toi qui as placé ta confiance en notre compagnie… peut être que tu l’as fait un peu trop vite. » Hyldar, Murmure de l’Automne
Je me saisis maladroitement de ma plume, l’alcool et le froid affaiblissant encore mon corps, afin de vous narrer mes aventures aux côtés de Kal Dogan lors d’une mission qui se voulait diplomatique. Ce récit ne figurera pas aux côtés des glorieuses chroniques de la Confrérie, mais il a le mérite d’exister…
Les prémices de cette histoire débutent en fait plusieurs jours avant notre départ, lorsqu’une pirate avinée décida de m’offrir un pendentif symbolisant mon animal totem, la tortue, afin de marquer la Nouvelle Année. La Confrérie avait déjà eu affaire à cette pirate, nommée Tuvi, lors de la dernière expédition, aussi ne me méfiais-je pas d’un cadeau qui me semblait innocent. Mal m’en pris…
Au petit matin, à mon réveil, je me décidais enfin à procéder à des ablutions complètes, ne pouvant plus supporter l’odeur de fumée ambiante… Bravant le froid, je me rendis dans un petit bâtiment où m’attendaient des bassines d’eau glacée. Jurant abondamment, je passais près d’une demie heure à ôter le sang incrusté dans ma peau, maudissant l’hiver et l’absence de feu. Ce n’est qu’à mon retour, frigorifié, près de l’âtre central de l’auberge, que Kal m’avisa que des établissements thermaux avaient été installés dans le campement voisin.
La journée fut plaisante, passée essentiellement au coin du feu, à boire, manger et discuter. Fondamentalement, la soirée qui devait suivre ne changeait rien à ce programme, à l’exception de la quantité d’alcool ingurgitée et des dérives en résultant. Alors que le soleil déclinait, nous nous rendîmes au campement. Apercevant sans doute une accorte jeune femme, Kal me laissa en plan « pour aller prendre un bain chaud. » J’en profitais pour me mêler à un groupe qui pratiquait un jeu d’adresse avec des quilles en bois. Rapidement intégré à la partie, je me retrouvais à tenter d’abattre des blocs de bois d’une équipe adverse, tout en dégustant un délicieux hydromel. Quelle belle manière de se mettre en jambe pour une soirée qui promettait d’être mouvementée…
Et mouvementée elle fut, puisque dès le retour de Kal dans le hall de fête, la moitié des perdants de la veille étaient déjà en train de lancer leurs habits un peu partout, le jeune Verte-Peau en tête. Très (trop ?) enthousiaste, il gratifia l’assemblée médusée de danses dans le plus simple appareil. Mais l’alcool aidant, l’ambiance fut de plus en plus joyeuse et débridée, jusqu’au moment où Kal annonça la seconde partie des règles du « Finger Clozes » : toute personne présente pouvait tenter de voler subtilement le dernier habit des victimes, pour ajouter une heure à leur peine ! A peine eut-il fini ses explications qu’une peau d’écureuil volait par-dessus le feu, sous les applaudissements, et les cris de désespoir du perdant…
Les choses se corsèrent lorsque Kal et moi-même durent nous dévêtir à notre tour, les deux heures étant écoulées… Inutile de dire que notre niveau d’alcoolémie monta en flèche peu de temps après ! A peu près au même moment, Yuna, bien que juge, perdait à son tour ce jeu ma foi fort subtile… Nous découvrîmes ensuite une étrange pratique des Wuwultschuk, qui consistait à claquer des mains et à lécher la joue gauche de son interlocuteur « pour répandre le bonheur », m’expliqua-t-on ensuite. Saisissant.
La soirée avançant, nous découvrîmes une autre pratique des peuplades du Nord, la maison de chaleur. Nul contenu charnel ici (encore que…), mais bien l’usage d’une petite maison calfeutrée, avec un fourneau à l’intérieur. En lançant de l’eau aromatisée dessus, les occupants, nus de préférence, subissent alors une suée des plus saine. Inutile d’expliquer que pour nous y rendre, les règles du « Finger Clozes » l’obligeant, nous dûmes déambuler nu au milieu du campement, de nuit, par des températures glaciales… Aaaah, le Nord… Par chance, outre le fourneau, une grande bouteille d’alcool nous attendait dans la petite maison de chaleur, et c’est en chantant et dansant que nous passâmes une demi-heure bien agréable. Kal eut toutefois la bonne idée de se brûler le mollet sur le fourneau, son enthousiasme étant un peu trop débordant…
Peut-être afin d’atténuer la douleur, Kal se noya dans l’alcool le reste de la soirée, confessant à d’autres fêtards nombre de ses aventures avec la gente féminine. Il tenta également de rapprocher un marchand nordique et une accorte jeune femme, qui s’avérèrent être un couple marié et heureux. Mais ça, Drunk Dogan l’ignorait sur le moment… Avant de me retirer dans nos quartiers, et souhaitant encore profiter un peu du calme de l’âtre de l’auberge avant de me coucher, je passais vingt bonnes minutes à aider Kal à retrouver ses vêtements, sa botte gauche nous donnant particulièrement du fil à retordre. Nous apprendrons également quelques jours plus tard que Kal en avait profité pour s’habiller d’une ceinture qui ne lui appartenait pas…
Je passais ensuite une nuit à cuver mon alcool, m’endormant bien avant le retour de mon comparse. Inutile de préciser que le réveil le lendemain, date choisie pour notre départ, s’avéra être des plus pénibles. La nuit glaciale n’avait pas aidé, et, malgré les couvertures et l’alcool, un froid résiduel gelait nos os. Empaquetant avec difficulté notre matériel, bien que ne possédant quasi rien pour ma part, nous finîmes par faire nos adieux aux autres dignitaires présents, qui affichaient eux-aussi des têtes de déterrés. Nous eûmes alors la surprise de découvrir que Yuna avait été touchée par notre histoire avec Marcel-e, et la guerrière des Blood Eagles nous jura se mettre en quête pour libérer l’infortunée truie des mains du berger lubrique. Ou, à défaut, nous rapporter un petit bout de Marcel-e… Glorieuse mission que voici !
Et c’est le cœur réchauffé par un séjour ma foi fort sympathique que Kal et moi-même nous mîmes en route, impatients de retrouver Cliabhan. Rejoignant un petit port commercial, nous finîmes par dénicher un navire, qui, sans être aussi dangereux que celui des pirates de l’aller, s’avéra être des plus lents… Après plusieurs péripéties inhérentes à tout bon voyage (nourriture exécrable, marins exécrables, météo exécrable…), nous parvînmes enfin au Havre du Lotus… Notre mission diplomatique, bien qu’avortée, nous avait quand même permis de renouer des liens forts avec plusieurs membres du Pacte. Kal parlait déjà de repartir à l’aventure, ses jambes ne tenant pas en place. Les charmes redoutables de plusieurs créatures féminines rencontrées y étaient sans doute pour quelque chose…
Je marche dans une vieille forêt, un chant murmure à travers les arbres. Je n’en comprends pas les paroles… Les montagnes proches, les couleurs connues –étrange. C’est une contrée inconnue. Cherche l’été, le lieu où l’arc-en-ciel touche la terre, couvre les yeux, vois ! paysages beaux, fabuleux… Où sont les frères les sœurs, quand je suis si seule ici, entre des murs vides ? Je cherche en une crête de montagne où vit le vent…
Je trouve !